La réalisatrice Gabriela Ortega parle des marques qui encouragent la diversité dans les histoires : « Les gens veulent être vus »

Portrait de Gabriela Ortega

23 mars 2022 | Par Matt Miller, rédacteur senior

personne dansant sur le toit

En février 2021, Gabriela Ortega a été acceptée avec 9 autres cinéastes issus des populations noires, autochtones et de couleur pour participer au programme Rising Voices d'Indeed et de la société de production Hillman Grad de Lena Waithe. La réalisatrice de Huella parle de son court-métrage, et de la responsabilité qu'ont les marques lorsqu'il s'agit d'encourager la diversité des histoires.

Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé les États-Unis en 2020, Gabriela Ortega a commencé à écrire afin de contribuer à faire comprendre ce qui se passe dans le monde.

« Le projet est né de la tristesse collective que tout le monde ressentait à ce moment-là », explique l'autrice, réalisatrice et actrice dominicaine. « Je me demandais où j'en étais dans la vie et j'avais besoin de me reconnecter à mes racines en cette année où je ne pouvais pas rentrer chez moi. J'ai vraiment été inspirée par les femmes de ma famille et par mes ancêtres, ainsi que par les choses qui me relient à toutes ces personnes en cette année où nous avons subi tant de pertes. »

C'est devenu le scénario de Huella, l'histoire d'une danseuse de flamenco coincée dans un travail de bureau qui traverse les cinq étapes du deuil quand la mort de sa grand-mère déclenche une malédiction générationnelle. Mais ce n'est qu'en 2021 que Gabriela Ortega a eu l'opportunité de transformer ce scénario ambitieux en court-métrage.

En février 2021, elle a été acceptée dans la première saison de Rising Voices, un programme d'Indeed et de la société de production Hillman Grad de Lena Waithe qui investit dans les histoires des cinéastes issus des populations noires, autochtones et de couleur. Rising Voices a accordé 100 000 $ à 10 cinéastes pour produire des courts-métrages, présentés en avant-première au Festival du film de Tribeca. Indeed a également collaboré avec Amazon Ads pour contribuer à élargir la portée des films en les diffusant sur Fire TV.

Selon une récente enquête menée par Amazon Ads et Environics Research, 72 % des consommateurs américains souhaitent voir plus de diversité et de représentation dans la publicité. Et 75 % souhaitent en savoir plus sur les coutumes et l'héritage des groupes raciaux et ethniques de leur pays.

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Gabriela Ortega, réalisatrice, Huella

Tout comme l'art, la publicité joue un rôle important lorsqu'il s'agit de contribuer à façonner la société et la culture. Il est désormais plus essentiel que jamais pour les marques et les créateurs de tenir compte de la diversité, de l'équité et de l'inclusion lorsqu'ils se connectent avec les audiences.

Nous avons rencontré Gabriela Ortega (peu après la projection de Huella au Festival du film de Sundance) pour discuter de son travail artistique et des raisons pour lesquelles il est important que les marques encouragent la diversité des voix.

Pour commencer, parlez-moi un peu de l'origine de votre amour pour le cinéma.

J'ai toujours adoré le cinéma et réalisé des films. En tant qu'actrice, j'ai évolué en observant et en analysant les performances incroyables des autres. J'ai vraiment apprécié cette forme d'art pour ce qu'elle pouvait apporter à la culture. Des films comme Do the Right Thing et Le Parrain ont marqué les esprits et ont contribué à faire de nous ce que nous sommes en tant que personnes, tout en façonnant notre vision du monde.

Comment avez-vous fait pour passer du rôle d'actrice à celui de réalisatrice ?

En 2018, je suis rentrée chez moi en République dominicaine où j'ai écrit et produit un court-métrage avec deux autres femmes. C'était ma première expérience dans la réalisation de film, et j'ai demandé toutes les faveurs possibles, ainsi que de l'argent à toutes les personnes que je connaissais. Au départ, le film devait aborder le sujet des micro-agressions que les femmes subissent sur l'île, car malheureusement, en République dominicaine, il y a énormément de violence envers les femmes. Nous avons commencé à créer toutes ces conversations, et c'était vraiment agréable d'avoir l'impression de contribuer à changer les choses. Cette expérience m'a vraiment inspirée.

Puis à la fin de l'année 2019, j'ai fait un voyage en voiture avec mon père. Nous avons visité tous ces beaux endroits et j'ai commencé à documenter tout ça avec mon téléphone. À la fin, je tenais à en faire quelque chose, et j'en ai fait un court-métrage sur mon père, appelé Papi. C'était incroyable, parce que ça m'a coûté environ 300 $, et pourtant le film a été présenté dans huit ou neuf festivals, et les gens s'y sont vraiment intéressés. J'ai alors reçu un appel de HBO qui voulait me proposer une licence pour le film. Il sera diffusé sur HBO en juillet.

Quand vous êtes-vous impliquée dans Rising Voices ?

La réalisation a commencé à m'obséder au cours de l'année 2020. J'ai travaillé comme jamais je n'ai travaillé de ma vie. J'ai investi de l'argent dans tout ça, et même renoncé à me verser un salaire pour pouvoir augmenter le budget du projet. J'ai vraiment sacrifié beaucoup de choses pour que le projet soit réussi et pour pouvoir me créer un portfolio. Quand le programme Rising Voices a été annoncé en février, j'avais tout ça à leur envoyer. Je crois vraiment qu'il faut se tenir prête à saisir certaines opportunités.

Je suis tellement reconnaissante d'avoir connu tous ces refus par le passé. J'ai travaillé si dur, j'ai postulé à ces programmes pendant des années et j'ai été refusée par plus de 100 d'entre eux. Et tout ça pour finir par être acceptée au programme Rising Voices, celui qui m'a le plus apporté en tant que cinéaste : des ressources, de l'attention et une opportunité. Maintenant, j'ai un film qui dit : « Voilà ce que je peux faire quand on me soutient et que je dispose d'un budget approprié ».

Quelles sont les opportunités que Rising Voices vous a offertes et comment cela a-t-il rendu ce projet possible ?

Quand je suis entrée dans le programme Rising Voices, j'étais surexcitée parce que [Huella] était quelque chose que j'avais imaginé, mais je savais que c'était ambitieux. Mais c'était la tempête qu'il me fallait pour pouvoir accéder à toutes ces ressources et me prouver que je pouvais le faire, sans prendre les choses pour acquises. Si on me donne 100 000 $ pour faire un film, je vais y mettre tout ce que j'ai. Il y aura des effets visuels, de la danse. Mais c'est exactement ce que je suis. Je ne bénéficierai peut-être plus jamais de cette somme d'argent pour faire un film à l'avenir, alors je ferais mieux de prouver à tout le monde que je peux le faire.

Pourquoi des programmes comme celui-ci sont-ils importants pour aider les créateurs de divers horizons à raconter leurs histoires ?

Vous savez, dans un monde parfait, nous n'aurions pas besoin de programmes axés sur la diversité, car ces créateurs pourraient simplement accéder à cette industrie plus facilement. Mais la réalité, c'est qu'il y a encore beaucoup moins d'opportunités, et un écart énorme en termes de rémunération, pour les femmes de couleur dans l'industrie du divertissement. Lorsque des programmes comme celui-ci voient le jour, et qu'ils ne donnent pas juste l'impression que des sociétés font le minimum en terme de diversité pour se donner une bonne image, cela change la donne. L'équipe était vraiment enthousiaste à l'idée que nous ayons une agence et que nous fassions les films que nous voulions faire.

Rising Voices est soutenu par Indeed et Amazon Ads. Selon vous, quelle responsabilité les marques ont-elles dans l'amplification des projets comme le vôtre, créés par des scénaristes issus des populations noires, autochtones et de couleur ?

Si vous essayez de créer quelque chose de global, si vous essayez de changer la culture, si vous essayez de vous connecter aux gens, vous devez soutenir les personnes qui vivent cette expérience de manière authentique. Si vous voulez vraiment le faire correctement, vous devez vraiment attirer les gens de ces milieux. La diversité n'est pas un lot de consolation, c'est le monde dans lequel nous vivons. Si vous voulez faire partie du moment culturel, vous devez travailler avec des personnes qui comblent les lacunes que vous pourriez avoir.

Les gens veulent être vus par les marques et les arts qu'ils consomment. Les gens veulent être pris en compte. Si vous êtes une grande entreprise, vous n'aurez pas la portée que vous pourriez avoir, sauf si vous tenez compte de toutes les autres données démographiques existantes. Et si vous êtes une société de médias, votre contenu n'en sera que meilleur. Si vous mettez en avant toute la diversité des perspectives qui existent, le travail de votre société peut alors s'avérer révolutionnaire. Cela pourrait combler de nombreux écarts culturels et gommer de nombreuses frontières. J'ai l'impression que c'est ça, l'avenir. C'est vraiment ce dont nous avons besoin.

Quelle est la prochaine étape pour vous et pour Huella ?

J'ai toujours voulu que [Huella] devienne un long métrage, c'est donc ce sur quoi je travaille en ce moment. J'espère avoir fini le script d'ici au printemps. Il y a un certain intérêt et je travaille avec des personnes vraiment adorables. J'espère donc finaliser ce projet dès que possible. Je développe également une série TV, tout en travaillant sur le prochain jeu vidéo BioShock.